Les « Propos sur le bonheur » sont de courts articles, inspirés par l'actualité et par la vie de tous les jours, « au style concis et aux formules frappantes ». Professeur, militant et journaliste, Alain est normalien et agrégé de philosophie. L'idée dominante est que le lecteur ou le pratiquant apprenne à réfléchir, que son esprit s'ouvre au monde et aux idées du monde.
Auteur : Alain
C'est pourquoi je ne mĂ©prise pas les gens qui di-sent: « VoilĂ un froid sec; rien n'est meilleur pour la santĂ©.» Car que peuvent-ils de mieux? Se frotter les mains est deux fois bon quand le vent souffle du nord-est. Ici, l'instinct vaut sagesse et la rĂ©action du corps nous suggĂšre la joie. Il n'y a qu'une maniĂšre de rĂ©sister au froid, c'est d'en ĂȘtre content. Et, comme dirait Spinoza, maĂźtre de joie: «Ce n'est point parce que je me rĂ©chauffe que je suis content, mais c'est parce que je suis content que je me rĂ©chauffe.»
Pareillement, donc, il faut toujours se dire: « Ce n'est point parce que j'ai rĂ©ussi que je suis content; mais c'est parce que j'Ă©tais content que j'ai rĂ©ussi.» Et si vous allez quĂȘter la joie, faites d'abord provision de joie. Remerciez avant d'avoir reçu. Car l'espĂ©rance fait naĂźtre les raisons d'espĂ©rer, et le bon prĂ©sage fait arriver la chose.
Que tout soit donc bon prĂ©sage et signe favorable: « C'est du bonheur, si tu veux, que le corbeau t'annonce », dit Epictete. Et il ne veut pas dire seulement par lĂ qu'il faut faire joie de tout; mais surtout que la bonne espĂ©rance fait rĂ©elle joie de tout, parce qu'elle change l'Ă©vĂ©nement. Si vous rencontrez l'ennuyeux, qui est aussi l'ennuyĂ©, il faut sourire d'abord. Et faites confiance au sommeil si vous voulez qu'il vienne. Bref, aucun homme ne peut trouver en ce monde de plus redoutable ennemi que lui-mĂȘme. Je dĂ©crivais plus haut l'existence d'une espĂšce de fou. Mais les fous ne sont que nos erreurs grossies.
REGROUPERAlors, aprÚs la lecture précédente, passer d'un livre jeunesse à un essai philo, c'est le grand écart.
J'ai bien aimĂ© lire tous ces articles, mĂȘme ceux qui au premier abord ne me parlait guĂšre. Mais Alain dĂ©cortique ces sujets de telles façons qu'on peut trouver un intĂ©rĂȘt personnel dans chacun ou presque.
Je lisais à petite dose, et parfois, plusieurs articles jusqu'à m'endormir en me disant que pour bien les comprendre, il faudra sans doute y revenir plusieurs fois. Ce n'est pas une lecture facile, mais le découpage en court chapitre le rend accessible comme un livre de nouvelles.
Un peu de courage, et vous saurez tout sur le bonheur ! Ăa vaut le coup non ? đ
Voici le jardin du philosophe. On y cueillera des fruits mĂ»ris sur le tronc de la sagesse commune et dorĂ©s Ă cette autre lumiĂšre des idĂ©es. Ils en reprennent leur saveur d'origine, qui est le goĂ»t de l'existence. Saveur oubliĂ©e en nos pensĂ©es ; car on voudrait s'assurer que l'existence est bonne et on ne le peut ; on en déçoit donc l'espĂ©rance par prĂ©caution, prononçant qu'elle est mauvaise. De lĂ s'Ă©tend l'empire de l'imagination dĂ©rĂ©glĂ©e, en quoi Alain, se confiant Ă la sagesse du corps, restaure la souverainetĂ© claire de l'homme heureux et qui n'attend pas pour l'ĂȘtre, ici et non ailleurs, que l'Ă©vĂ©nement lui donne raison, acteur enfin et non spectateur de soi-mĂȘme.
đ Merci Amandine pour ce beau cadeau plein de sens aprĂšs nos ateliers đ